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66th IFLA Council and General
Conference

Jerusalem, Israel, 13-18 August

 


Code Number: 154-143-F
Division Number: III
Professional Group: Libraries Serving Disadvantaged Persons
Joint Meeting with: -
Meeting Number: 143
Simultaneous Interpretation:   No  

Les bibliothèques en milieu hospitalier et le réseau de lecture publique en France : quelles collaborations ?

Claudie Guerin
Hopitaux de Paris, Paris, France


Paper

Pour la personne hospitalisée, "enfermée" entre les quatre murs d'une chambre, la lecture peut être un formidable moyen d'évasion, d'oubli un temps de sa maladie, de son angoisse et de sa douleur. Le livre est aussi, l'espace d'un instant, l'occasion d'une relation privilégiée avec un médiateur, le bibliothécaire, un ami... Lire ou se faire lire un livre, participer à une rencontre, visiter une exposition sont autant d'éléments qui participent au confort du malade, voire à sa guérison. L'offre de lecture est désormais reconnue comme une composante de la qualité de l'accueil du patient. Après un état des lieux des bibliothèques d'hôpitaux en France, la réflexion portera sur les modes de collaboration entre des bibliothèques en milieu hospitalier et des bibliothèques institutionnelles à partir de l'analyse de quelques expériences.

1. Du côté des bibliothèques d'hôpitaux

a) Contexte historique et réglementaire

En France, la lecture à l'hôpital marque ses origines en 1634 sous le vocable de "distraction des malades". Il fallut attendre deux siècles (1845) pour que des mesures concrètes soient prises en faveur de son développement et qu'apparaissent des lieux de lecture organisés. L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris sera la première en 1934 à intégrer une bibliothécaire professionnelle à la tête de la Bibliothèque Centrale des hôpitaux suivie par les Hospices civils de Lyon en 1938. Ce n'est qu'en 1947-1948 que circulaires et décrets du ministère de la Santé publique instituèrent l'obligation de créer une bibliothèque dans les sanatoriums et centres médico-universitaires. Même si ces textes ont pu susciter des créations, ils n'avaient qu'une valeur incitative et étaient limités. Dans les années cinquante, le concept d'"humanisation" des établissements hospitaliers s'est traduit par un effort d'amélioration de l'accueil et des conditions de vie des personnes hospitalisées dans lequel la bibliothèque d'hôpital a joué un rôle important. Les lieux de lecture se sont alors développés et structurés et ceci sans convention ni recommandation nationale orientant la réflexion. Mai 1999 marque une nouvelle étape avec l'implication du secteur hospitalier dans une convention signée entre le ministère de la Culture et de la Communication et le secrétariat d'état à la santé et à l'action sociale et ayant pour objectif de favoriser l'organisation d'activités culturelles dans les établissements hospitaliers. Le premier volet de ce texte consiste à inciter, par la mise en place d'un jumelage, un équipement culturel proche d'un hôpital à proposer à celui-ci certaines de ses ressources. Le deuxième concerne le développement des bibliothèques, la lecture constituant l'axe culturel le plus couramment présent dans les hôpitaux. Cette partie présente un certain nombre de recommandations importantes en matière de locaux, de collections, de personnel et de formation, les normes mentionnées étant celles préconisées par l'IFLA. Le troisième axe porte sur la formation de responsables culturels destinés à mener une politique culturelle volontariste, organisée et de qualité. Il est encore trop tôt pour dire si ce texte aura une influence déterminante dans l'amélioration de la qualité des prestations actuellement proposées et dont voici un état des lieux synthétique.

b) Etat des lieux des bibliothèques d'hôpitaux en France

Après quelques enquêtes partielles réalisées dans les années 70/80, une étude nationale a été décidée en 1992 par le ministère de l'Education nationale et de la Culture (Direction du livre et de la lecture) et la Fondation de France. Menée auprès de 1 860 établissements hospitaliers publics (862 réponses), elle est d'une ampleur suffisante pour mesurer l'état de l'offre de lecture et permettre d'en dresser un panorama intéressant (1).

Sans faire un bilan détaillé des résultats, quelques chiffres et remarques méritent d'être mentionnés pour éclairer notre propos. La majorité des hôpitaux (90%) disent avoir une "activité-lecture". Cette constatation, plutôt satisfaisante de prime abord, recouvre en fait des réalités bien différentes. Le paysage français est en effet composé de quelques bibliothèques gérées par des professionnels (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) ou en convention avec des bibliothèques municipales (La Rochelle, Dijon...) et d'une majorité de points-lecture alimentés, en grande partie, par des dons et gérés par des bénévoles. Dans 93% des cas, la gestion est confiée à des personnes non formées ou ayant suivi quelques cours ne répondant pas aux exigences nécessaires pour satisfaire à un service public de qualité. Les 7 % restant correspondent à des lieux animés par des salariés qui ne sont pas nécessairement du métier. On se retrouve donc face à un ensemble où les professionnels sont rares à l'exception du réseau des 26 médiathèques de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et des bibliothèques d'hôpitaux de quelques villes (Dijon, Bordeaux, Le Havre...). Pour ce qui est de l'offre de lecture, les fonds d'ouvrages, en moyenne de 2 900 livres par établissement, sont constitués à 46 % d'achats, 39 % de dons et 16% de dépôt du réseau de lecture publique. Ce mode d'alimentation et l'absence de lignes budgétaires constantes et définies empêchent d'établir une véritable politique d'acquisition, aboutissant à la mise à disposition de collections, le plus souvent anciennes et renouvellées de manière irrégulière, dont la qualité est inégale. Le faible pourcentage des documents prêtés par le réseau de lecture publique s'explique par le fait que seul un tiers des hôpitaux ayant répondu à cette enquête travaille en partenariat avec la Bibliothèque Municipale ou Départementale de Prêt. Ce dernier point souligne l'isolement, volontaire ou non, des bibliothèques d'hôpitaux et la méconnaissance, de la part des directions hospitalières, des structures de lecture publique et de leurs ressources.

En résumé, même si les résultats recueillis font apparaître une forte disparité, quelques constantes se dégagent : moyens et collections hétérogènes, présence "historique" de bénévoles très fortement organisés qui ont l'avantage de ne pas générer de coût, quasi absence de qualification et de partenariat avec le réseau de lecture publique. Ce bilan national, toujours d'actualité, a mis en évidence la nécessité de moyens, de compétences et de partenariats, suscitant la signature de la convention de 1999 précédemment citée.

2. Du côté des bibliothèques du réseau institutionnel de lecture publique.

L'intérêt du réseau de lecture publique pour les lieux de lecture accueillant les publics spécifiques est relativement récent, à l'exception de quelques initiatives individuelles. Les efforts ont été concentrés depuis les années 70 sur la construction de bibliothèques modernes, le recrutement de personnel qualifié et le développement d'animations innovantes. Parallèlement, un réseau constitué d'institutions publiques (écoles, hôpitaux, prisons, casernes...) et d'organismes privés (associations, comités d'entreprises...) s'est développé, touchant un nouveau public. La publication en 1982 du rapport Pingaud-Barreau a marqué le début d'une politique incitative en direction "de tous les citoyens, de tous les publics, à tous les âges et en tous lieux". La nécessité de "sortir" de ses murs et de travailler avec les partenaires de lieux de lecture non institutionnels fréquentés par des personnes hospitalisées, incarcérées, handicapées s'est peu à peu imposée. Certaines bibliothèques ont alors développé des actions en partenariat avec les bibliothèques "hors les murs"(2): bibliothèques de rues, de comités d'entreprises, de prisons et d'hôpitaux...

La question de la lecture à l'hôpital est donc à resituer dans une double dynamique : celle de l'ouverture sur l'extérieur des structures traditionnelles conscientes qu'elles doivent donner accès à l'information à l'ensemble des citoyens (l'hôpital est un des rares lieux qui réunit des publics potentiels de tous âges et de toutes origines sociales ); celle, plus récente, de la prise de conscience par l'hôpital de l'intérêt de s'appuyer sur les structures institutionnelles pour développer des activités culturelles. Grâce une offre organisée et de qualité, un séjour à l'hôpital peut être l'occasion d'une découverte du livre, découverte qui, l'hospitalisation terminée, pourra se prolonger dans la fréquentation des bibliothèques ou plus largement des équipements culturels. La convention inter-ministérielle Culture/Santé est née de cette double convergence d'intérêt. Les travaux de la sous-section Hôpitaux, menés au sein de l'Association des Bibliothécaires Français (ABF), ont également contribué à sensibiliser les acteurs de la lecture publique à l'importance des enjeux de la lecture à l'hôpital. D'autre part, à l'occasion de plusieurs enquêtes régionales récentes, qui avaient pour objectif de dresser une cartographie précise des lieux de lecture dans les établissements hospitaliers et des collaborations, des contacts entre bibliothèques municipales/départementales et établissements hospitaliers se sont noués. Bien que la politique de lecture à l'hôpital ne relève en France que de la seule volonté des directeurs d'établissements, les différents éléments évoqués signalent une prise en compte de plus en plus importante de la part des différents partenaires.

3. De la fourniture de services au partenariat : petit inventaire non exhaustif

Les collaborations entre hôpital et bibliothèques municipales et/ou départementales, à l'initiative de l'un ou de l'autre des partenaires, se situent à différents niveaux, impliquant des investissements plus ou moins importants.
  • Dépôt de documents

    Les directions ne mettant que très rarement à la disposition de leurs bibliothèques des budgets d'acquisition suffisants, le recours à un dépôt de la BM ou BDP apparaît comme une nécessité, même s'il faut pour cela parfois vaincre les réticences de certains responsables de bibliothèques publiques craignant les pertes de documents. Le prêt collectif porte essentiellement sur des livres, rarement sur les supports audiovisuels. Il est parfois ciblé sur des fonds spécifiques comme les livres en gros caractères ou les livres audio, très demandés par les patients. L'accès aux collections d'une bibliothèque plus importante se justifie totalement. On remarque aujourd'hui par exemple que la population des personnes âgées hospitalisées a changé. Leurs demandes, très précises et importantes en nombre pour certaines d'entre elles, peuvent mettre en difficulté la bibliothèque ne disposant pas d'un fonds conséquent et varié.

  • Passage du bibliobus dans l'enceinte de l'hôpital

    L'offre de lecture se fait également par l'intermédiaire du passage régulier du bibliobus dans l'enceinte de l'hôpital, comme à Givors par exemple. A l'aide de chariots, deux bibliothécaires municipaux desservent régulièrement toutes les chambres et rencontrent un public plus diversifié qu'à la bibliothèque municipale. Cette activité correspond pour eux à un travail de sensibilisation à la lecture car beaucoup de malades qu'ils rencontrent ne fréquentent ni la bibliothèque ni le bibliobus. Les "je ne sais pas lire" ou "je ne sais pas quoi lire" sont fréquents lors des tournées en chariot et ces réflexions, entendues rarement en bibliothèque municipale renvoient le bibliothécaire au choix des documents proposés.

  • Portage à domicile

    Un certain nombre de personnes ayant été hospitalisées et inscrites à la bibliothèque municipale ont la possibilité, dans certaines municipalités, de bénéficier, à leur retour chez elles, du service de portage à domicile.

  • Accueil à la bibliothèque municipale

    Des collaborations s'établissent également dans le cadre de visites à la bibliothèque publique. Les hôpitaux de psychiatrie ou les services de pédopsychiatrie sont en général très demandeurs de visites organisées de petits groupes d'adultes et d'enfants suivis en hôpital de jour ou hospitalisés de manière longue. L'intérêt de la démarche est de faire découvrir aux uns les ressources d'un lieu public de proximité et de faire sortir les autres de l'hôpital, le livre constituant un lien vers l'extérieur. C'est ainsi que dans la région normande à Sotteville-les-Rouen, une bibliothécaire reçoit chaque mois des patients du centre hospitalier du Rouvray pour un travail d'écoute collective thématique suivi d'un échange et d'un emprunt de livres. Cette activité est complétée par la mise en place d'ateliers d'écriture menés par un écrivain en direction des patients et des lecteurs de la bibliothèque. Ce mélange des publics autour d'un projet commun est très intéressant surtout lorsque les ateliers se tiennent dans différents espaces de la ville ( bibliothèque, hôpital...), un moyen de faire découvrir aux deux publics des lieux qui leur sont pour certains peu familiers. L'accueil de publics spécifiques, qui peut dans un premier temps légitimement dérouter le bibliothécaire, s'avère en fait très riche en raison de la force des échanges et des rencontres qu'il suscite. Le regard porté sur l'autre et sur le livre en est profondément modifié.

  • Formation des bénévoles

    Un autre axe de partenariat consiste à proposer un soutien en matière de formation aux personnes gérant les bibliothèques. Le Centre de coordination de la lecture publique à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et les hospices civils de Lyon par exemple proposent aux bénévoles de suivre des sessions de formation mais cette pratique est peu répandue.

  • Trois exemples de partenariat

    Certaines villes, dont voici trois exemples, ont choisi de s'investir plus largement et durablement dans un travail de collaboration.

    • La Rochelle :
      En tant qu'annexe de la bibliothèque municipale, la bibliothèque de l'hôpital de La Rochelle est un cas unique en France. Elle bénéficie à ce titre des avantages liés au rattachement à un service public : un fonds informatisé et intégré au catalogue général consultable à distance, un choix de livres et d'abonnements large et des échanges professionnels riches.
    • Nîmes :
      Le Carré d'Art/Bibliothèque a ouvert une annexe (Serre Cavalier) dans un Centre de soins pour personnes âgées en partenariat avec le Centre Hospitalier Universitaire. Elle dessert aussi bien les patients et le personnel que le public extérieur, ce qui est une grande première en France. Cette bibliothèque, rattachée au réseau de lecture publique de la ville, dispose d'un fonds de 3 500 documents régulièrement renouvelés et propose des animations autour du livre ouvertes à tous : expositions, heures du conte, spectacles... Ce lieu constitue un des éléments permettant de conserver ou de recréer le lien entre la personne âgée et son environnement social.
    • Nanterre/Garches :
      La ville de Nanterre et l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) ont signé une convention de partenariat entre leurs bibliothèques. Elle porte sur l'organisation d'animations communes : expositions, rencontres avec des auteurs et illustrateurs, des scientifiques ou des artistes... Ces manifestations se tiennent à la bibliothèque municipale et à l'hôpital. Les comédiens du Théâtre National des Amandiers interviennent régulièrement au chevet des patients adultes et enfants pour des lectures de textes. D'autre part, chaque année, dans le cadre du soutien à la création, un auteur-illustrateur est sollicité pour la création originale d'un livre qui est ensuite donné aux enfants des classes maternelles de la ville et également aux enfants hospitalisés. Ce travail de création est accompagné d'ateliers, de spectacles, de rencontres avec l'artiste dans les deux lieux. Ces collaborations enrichissent l'offre faite à l'ensemble de la population quelle que soit sa situation et dynamisent le travail des professionnels des deux structures.
Malgré de nombreux exemples de réalisations et de collaborations expérimentales de qualité (3), un important travail reste encore à faire afin d'inciter les responsables de bibliothèques à l'hôpital à s'ouvrir et à coopérer avec les professionnels du réseau de lecture publique et pour que d'autre part cette offre de lecture spécifique soit prise en compte par le service public. Certains pays européens ont fait beaucoup plus que la France en ce domaine mais une dynamique semble s'être installée. Accès égal pour tous à l'information, ouverture et tolérance vis-à-vis de publics complémentaires qui obligent à travailler sur d'autres registres d'appropriation du livre, renforcement du professionnalisme et extension de l'offre... l'intérêt d'un travail en partenariat entre les structures s'affirme. La qualité de vie des personnes hospitalisées est devenue ces dernières années une préoccupation importante des établissements hospitaliers français et il est certain que les bibliothèques peuvent jouer un rôle essentiel dans cette évolution.

Claudie GUERIN, Coordinatrice des médiathèques et centres de documentation de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Présidente de la sous-section Bibliothèques d'hôpitaux à l'Association des Bibliothécaires Français, Membre du Standing Committee de la Section of Libraries Serving Disadvantaged Persons de l'IFLA.

(1) La Lecture à l'hôpital : état des lieux de l'offre de lecture à l'hôpital. Fondation de France, Ministère de la Culture, 1993

(2) La Bibliothèque hors les murs / Claudie Tabet. Cercle de la librairie, 1996

(3) Les publics empêchés - Bulletin d'information de l'Association des Bibliothécaires Français, 1998. n° 181

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