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Nous nous trouvons immergés dans une culture imprimée (qui, fondamentalement, s'ouvre aux moyens de communication de masse). A l'intérieur de cette culture, le livre a été traditionnellement le véhicule d'information -essentiellement textuel- qui forme l'axe central de la bibliothèque. Le développement de la technologie nous oblige d'une part, à "prendre conscience de la manière dont le livre a formé et informé nos vies" , d'autre part, à mesurer à quel point nous sommes limités par cette culture imprimée. Il faut espérer que l'apparition de nouveaux moyens technologiques favorisera une meilleure compréhension de la diversité et de la valeur d'autres modèles culturels.
Lorsqu'il parle de la littérature et de son public, Kernan indique que "l'imprimerie a rendu pour la première fois la littérature objectivement réelle et par conséquent subjectivement concevable comme fait universel, dans les grandes bibliothèques de livres imprimés qui contenaient de grandes collections d'écrits mondiaux" . Ainsi, nous trouvons-nous déterminés historiquement par la manifestation physique du texte. La bibliothèque a représenté le désir de récupérer l'information dans le texte fixe et multiple produit de la technologie de l'imprimerie . Elle a favorisé le développement de langages contrôlés permettant d'établir des liens hiérarchiques et des associations entre les termes employés pour décrire le contenu du texte et créer des outils de recherche. Elle aspire aussi à inclure d'autres supports : images, sons, etc … et elle recherche des moyens pour les mettre à la portée de ses outils en homologuant différents matériaux en fonction de leur contenu. Néanmoins, il faut noter qu'on perçoit une tendance à sous-estimer ces ressources dans le contexte de son application potentielle au modèle de l'hypertexte. Cependant, les bibliothèques ont une grande expérience préalable des problèmes posés par Internet. Et le réseau, à son tour, offre aux bibliothèques un espace pour réaliser leurs projets et rencontrer de nouveaux moyens d'expression.
Une analyse critique de ces outils indique que les "catégorisations vieillissent et qu'elles permettent seulement aux usagers des trajets prédéfinis et rigides, limitant ainsi le développement des réseaux de concepts dans le langage contrôlé. Comme l'indique Landow, lorsqu'il décrit les problèmes de la technologie de l'imprimerie, "aucun classement de l'information ne peut être satisfaisant pour tous ceux qui la nécessitent et bien que [les classements] hiérarchique et linéaire [propres au livre] fournissent l'information et suivant un critère de classement, celui-ci ne coïncide pas toujours avec les besoins de ses usagers individuels" .
Nous nous trouvons face à une proposition qui tente d'échapper aux limitations du texte imprimé, et qui est selon certains auteurs le début d'une transformation aussi profonde qu'en son temps l'invention de l'imprimerie. Comme l'expose Landow, cette aspiration fait coïncider les inquiétudes de ceux qui ont imaginé l'hypertexte informatique et la théorie critique contemporaine. Par exemple, Derrida affirme que "la fin de l'écriture linéaire est en réalité la fin du livre, bien que ça soit sous la forme de livre que les nouvelles écritures, littéraires ou théoriques, se laissent enfermer pour leur bien ou pour leur mal" . Cette mort du livre annonce, sans aucun doute (et en un certain sens, toujours annoncé) une mort du discours (d'un discours supposé complet) de même qu'une nouvelle mutation dans l'histoire de l'écriture, et dans l'histoire en tant qu'écriture. Elle l'annonce avec une anticipation de plusieurs siècles. C'est à cette échelle que nous devons l'évaluer .
Le présent travail tente de rapprocher du point de vue de la bibliothèque des opinions comme celles-ci proposant un interprétation de l'hypertexte, non pas comme le livre dépassant ses limites, mais comme la bibliothèque entrant dans le livre, s'enracinant dans sa structure interne.
La bibliothèque soutient l'analogie mentionnée avec le type de travail nécessaire pour structurer un hypertexte, avec la ligne irrégulière que suit une personne qui navigue ou "browsing" , et avec formats différents qu'elle récupère au cours du processus.
Les règles et outils associés à l'élaboration de catalogues de bibliothèque correspondent à l'organisation de l'hypertexte. Le système de nœuds connectés qui formait l'hypertexte a pour but d'administrer le mieux possible le contenu multimédia. De la même manière, dans la bibliothèque, un catalogue conventionnel essaie d'offrir un réseau d'informations et de renvois à ceux qui cherchent des matériaux sur des supports multiples.
Une observation de Landow indique que le passage du manuscrit au livre imprimé, puis à l'hypertexte représente une fragmentation de plus en plus grande. Tant que le lecteur dispose de moyens de classement thématiques ou autres culturellement cohérente, la fragmentation du document en hypertexte n'implique pas cette sorte d'entropie qu'une fragmentation similaire supposerait dans le monde de l'imprimerie. Quelques-unes de ses prestations comme recherche de texte, de liens automatiques, d'agents et de filtres potentiels offrent la capacité de conserver les avantages de l'hypertextualité tout en protégeant le lecteur des effets négatifs de l'abandon de la linéarité" . Ainsi est-il établi que les mécanismes de récupération de l'information sont essentiels pour construire l'hypertexte. Comme l'affirme Balasubramanian, "la navigation ou 'browsing' est effective uniquement pour les petits systèmes d'hypertexte. Pour de grandes bases de données hypertextuelles, la récupération d'information à travers des stratégies de recherche devient cruciale" .
Dans l'hypertexte, le processus de recherche d'information se dessine comme un parcours à l'intérieur de lui-même. C'est comme si l'on écrivait le fonctionnement interne de la bibliothèque. Les besoins et le bagage d'un usager en particulier, les outils que la bibliothèque crée et sa collection sont reproduits dans l'hypertexte comme un tout.
Ponctuellement, une caractéristique éminente de l'hypertexte est son potentiel de connexion (dans un contexte de télécommunications approprié). Des logiciels comme Storyspace, Hypercard … et autres sont utilisés pour écrire et lire des hypertextes. Le résultat et une production littéraire et érudite accessible localement ; mais, "l'hypertextualité complète requiert de gigantesques réseaux informatiques " . Cette idée est incarnée dans www décrit initialement dans le document de Berner-Lee et Calan du CERN "world wide web : proposal for a hypertext projets" . Internet offre de multiples alternatives de communication et d'échange, tout en conciliant des plateformes et des moyens d'interconnexion à travers le protocole TCP/IP./ C'est dans ce contexte, qu'on pourra observer, comme dans une grande expérimentation, le futur développement de l'hypertexte.
Les bibliothèques universitaires -de même que quelques bibliothèques spécialisées- ont été pionnières dans ce domaine, car elles se trouvent généralement insérées dans les projets de marketing de leurs institutions respectives, qui considèrent le site web comme une façon de se faire connaître. Mais, il y a des cas, comme celui du système de Bibliothèques de l'Université du Chili, qui sont allés plus loin, élaborant des sites qui offrent des services et se connectent avec les Intranets qui sont enrichis par la communauté universitaire intégrée du projet.
L'Université du Chili a formé des équipes multidisciplinaires préparé des cours d'entraînement pour professionnels et dessiné des sites et des Intranets à partir d'une initiative prise par des bibliothécaires. C'est une démarche que nous voudrions imiter.
La sous-direction des Bibliothèques publiques, dépendant de la Direction des Bibliothèques, Archives Musées (DIBAM) commence à mettre en œuvre un projet d'informatisation prenant en compte cette application. Récemment, la DIBAM a développé plusieurs sites web incluant tous les organismes placés sous sa tutelle. Cependant, du fait qu'elle n'ont pas pris en compte une maintenance adéquate, faute de moyens, elles n'ont pas réussi à aborder la spécificité de chaque institution. Le cas des bibliothèques publiques est important parce qu'il représente la présence dans tout le pays d'unités et de projets dont la grande richesse réside dans le travail réalisé avec leur communauté immédiate. Cepandant, ce sont des expériences qui pourraient s'appliquer à d'autres pays, en amorçant le débat et l'échange, en rompant l'isolement dans lequel très souvent elles se trouvent. www peut servir à ce propos.
Notre état possède plusieurs éléments motivants en matière d'automatisation :
Actuellement, nous nous proposons d'installer dans cette sous-direction un système local en réseau qui nous permettra de mettre en place un serveur de web et de courrier électronique. Nous pourrons ainsi développer un site qui nous permettra d'offrir des services, de systématiser des éléments de recherche pour les utilisateurs finaux d'un Intranet, de rendre accessibles les bases de données et de faire en sorte que nos expériences parviennent à d'autres.
Le bibliothécaire est appelé à être un "hyperlettré", capable de reconnaître, d'accéder et d'appliquer les idées et outils hypertextuels dans un mileu expérimental en ligne. Comme l'indique Fillmore, Internet séduit par son architecture ouverte. Le logiciel et les publications qui ont du succès dans Internet n'essaient pas d'interdire, de contrôler ou de restreindre sa technologie de base. De là vient son pouvoir. La connaissance évolue avec son utilisation .
L'analogie bibliothèque-hypertexte peut être une proposition théorique susceptible d'une meilleure analyse, mais son intention est d'ouvrir le débat et d'apporter à la communauté professionnelle un point de vue sur l'éminence de la théorie de l'hypertexte pour notre discipline.
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URL: http://eies.njit.edu/~333/review/hyper.html
BERNERS-LEE, Tim; Cailliau, Robert. Wold Wide Web: Proposal for a Hypertext Project, 1989.
URL: http://www.w3.org/hypertext/WWW/proposal.html#4
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