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63RD IFLA GENERAL CONFERENCE - CONFERENCE PROGRAMME AND PROCEEDINGS - AUGUST 31- SEPTEMBER 5, 1997

Acheter des part de bibliotheques : les aspects economiques de la cooperation en matiere de developpement des collections.

Liz Chapman
Conservateur responsable des sciences sociales
Université d'Oxford
Oxford, UK


RESUME

Sous la pression financière, les bibliothèques ont été amenées à développer leurs collections de manière coordonnée, étant de moins en moins capables d'acquérir tous les documents demandés par leurs utilisateurs. Leur dilemme est soit d'avoir les documents sur place soit d'utiliser une source extérieure pour obtenir l'information en faisant payer l'utilisateur. Beaucoup de bibliothèques fournissent des accès partagés à leurs catalogues mais pas de véritable accès extérieur à leurs collections. Des efforts permettant le développement partagé des collections ne sont guère possibles sans un financement complémentaire comme le montrent les exemples du Royaume-Uni. Des pressions commerciales provenant d'éditeurs se font sentir. Elles prennent la forme de contrats pour des licences électroniques. Le personnel des bibliothèques doit être formé pour pouvoir efficacement coopérer afin de rendre un meilleur service aux utilisateurs.


PAPIER

La coopération entre les bibliothèques paraît naturelle aux bibliothécaires, et beaucoup d'entreprises de coopération ont été lancées, soulignant ainsi que le travail en commun fait partie de l'éthique de la profession. Cette présentation se propose d'examiner les aspects budgétaires du développement coopératif des collections, en théorie et en pratique, dans les bibliothèques universitaires européennes et plus particulièrement au Royaume-Uni. En 1980, Battin, dans le cadre de l'IFLA, a défini la situation : « Le processus d'éducation ne peut être confiné à un bâtiment, une institution, une région ou même une instance politique...nous devons...faire en sorte qu'un flot continu d'informations circule sans entraves à travers les frontières locales, régionales et nationales. »

Cette idée a récemment trouvé un écho dans un rapport de la Communauté européenne qui est à la recherche de coopérations pour améliorer les conditions d'accès des citoyens aux sources d'information - un pas dans la direction du thème de cette conférence : « Le développement humain ».

Les impératifs économiques

Le développement coopératif des collections vient de l'idée du partage des ressources entre bibliothèques. Les économistes décrivent le partage des ressources comme ayant quatre modes différents d'opération. La première façon de partager est le troc, illustré par le prêt entre bibliothèques, une activité principalement bénévole, tendant à aider ceux qui nous aident, mais ayant un coût certain et donnant lieu à des abus. La deuxième méthode repose sur l'échange monétaire qui consiste à payer directement un service comme la fourniture des documents. Cette méthode montre la valeur marchande d'une telle transaction. La troisième méthode consiste à subventionner un organisme pour qu'il fournisse gratuitement certains services à d'autres organismes. Dans le monde des bibliothèques, cette méthode s'applique à la fourniture gratuite de nos collections à des bibliothèques extérieures. Elle est en général limitée à de petits groupes. La quatrième méthode de partage ou de redistribution des ressources s'articule autour de l'idée de contributions individuelles à un organisme central qui, ensuite, les répartit - en d'autres termes, cela s'appelle des taxes. Les coopératives de bibliothèques utilisent cette méthode. Les membres d'une coopérative envoient leur contribution financière à une instance centralisée qui s'occupe de ré-allouer (partager) ces ressources communes. Bien que cela semble être une situation stable sur laquelle on peut compter, il n'est absolument pas certain que les bibliothèques puissent se soumettre indéfiniment à de telles taxes.

Les bibliothèques ont toujours, plus ou moins, travaillé ensemble, mais c'est le coût des documents qui nous oblige maintenant à pratiquer la coopération. Le prix des périodiques augmente de façon inexorable, celui des monographies de façon plus graduelle, mais dépasse, malgré tout, nos budgets. Comme l'écrit Desmarais : « Qu'arrive-t-il quand une bibliothèque ne peut plus se permettre de rassembler ou d'acheter des documents ? ». Au Royaume-Uni, les Higher Education Funding Councils (HEFCs) recherchent une meilleure efficacité dans le cadre des budgets existants. Le rapport Follett sur les bibliothèques universitaires dit que : « il n'était ni faisable, ni même désirable d'attendre de chaque institution qu'elle satisfasse seule tous les besoins de ses utilisateurs ou de son personnel ». À une époque où les ressources des bibliothèques diminuent, nous avons tous été coupables de constituer des collections identiques reproduisant les mêmes lacunes. L'augmentation du prix des abonnements de périodiques a conduit la plupart des bibliothèques à annuler les titres les plus chers. Nous devons décider, après réflexion, s'il est préférable d'acheter nous-mêmes les documents ou d'en obtenir l'accès à distance. Il y a seulement dix ans, un séminaire sur la coopération discutait de son aspect économique plutôt que de la notion de coopération. Les bibliothèques ont essayé dans le passé d'être des dépôts autosuffisants de documents imprimés, mais maintenant, non seulement il est difficile de maintenir ces collections, mais en plus, nous recherchons des documents non imprimés. Après tout, l'autosuffisance a peut-être toujours été un mythe, mais un mythe auquel nous avons voulu croire comme dans l'histoire du Roi nu. De toute façon, dans beaucoup de bibliothèques universitaires, c'est nous qui avons choisi, pas les utilisateurs.

Les pressions budgétaires, ainsi que l'évolution de la recherche universitaire nous obligent à envisager la coopération. La recherche, de plus en plus interdisciplinaire, mais aussi de plus en plus courte, fait que nous risquons de constituer des collections rapidement obsolètes. Il nous est également difficile de préserver les résultats de la recherche à court terme. Les exercices qui consistent à mesurer l'efficacité de la recherche ne font qu'accentuer l'aspect incertain de notre sélection et la hâte des chercheurs à publier à tout prix augmente les problèmes dans nos collections. La pression occasionnée par l'évaluation de la recherche crée une atmosphère de compétition entre les institutions et ne peut que ruiner la coopération entre bibliothèques. L'obligation de publier donne naissance à un plus grand nombre de journaux spécialisés que nous ne pouvons pas acheter. Nous ne pouvons pas nous procurer certaines formes nouvelles d'information, particulièrement quand les produits électroniques recoupent les documents que nous achetons déjà. De plus, au Royaume-Uni, nous nous sommes trouvés confrontés ces dernières années à une importante augmentation du nombre des étudiants.

De grands établissements souhaitent conserver leur autonomie et un accès local, ayant le sentiment que leur richesse leur permet un certain luxe. Ils essaient de garder une politique de « juste en cas », tandis que d'autres bibliothèques sont obligées de choisir de fournir les documents « juste à temps », en faisant payer. Certaines bibliothèques ne peuvent assumer aucun de ces deux modes de développement des collections. Non seulement le prix des documents, mais aussi le paiement de l'accès à distance est un sujet controversé parmi les bibliothécaires qui continuent de croire à l'accès gratuit aux documents pour tous.

Achat ou accès ?

Comme on l'a déjà évoqué, l'idée de coopération entre bibliothèques n'a rien de nouveau. Pratiquement tous les bibliothécaires sont au moins d'accord avec le principe. L'IFLA elle-même a établi une base de données des jumelages entre bibliothèques. Un rapport du Conseil sur la coopération entre bibliothèques et l'information du Royaume-Uni souligne notre situation actuelle :

« Le nombre et l'efficacité des opérations de coopération sont bien en deçà de l'enthousiasme évident et répandu en faveur de l'idée de coopération ».

Le premier but de toute coopération entre bibliothèques est l'amélioration des services rendus aux lecteurs. Tout accord de coopération se doit d'être équitable pour chaque participant. Il doit, par conséquent, être rentable tout en faisant payer le juste prix aux participants. Si on se concentre trop sur un idéal de coopération, on risque de perdre de vue la nécessité de se concentrer sur des solutions pratiques.

L'idée, perverse, d'une hyper-bibliothèque contenant « tout » resurgit périodiquement. Cependant, les lecteurs veulent presque toujours des services sur place. L'accès à distance dans le Royaume-Uni a été amélioré, à la suite du rapport Follett, par des crédits importante donnés à la conservation, au catalogage et à l'accès aux collections spécialisées.

Une des conséquences, au Royaume-Uni, a été l'élaboration de stratégies régionales pour subventionner l'enseignement supérieur. Un rapport récent envisage « le développement d'une stratégie nationale et régionale de subventions aux bibliothèques pour les chercheurs dans tous les domaines » . Le système proposé devrait renforcer les points forts des différentes bibliothèques « dont la participation est confirmée par un engagement public et officiel ». Les bibliothèques concernées « doivent avoir des objectifs clairement formulés pour elles-mêmes et pour l'information », notamment sur leur politique de rétention et d'acquisition ; elles doivent également fournir des renseignements sur leurs collaborations avec d'autres bibliothèques. On leur recommande de partager l'achat de documents en langues étrangères car, de toute évidence, c'est un domaine dans lequel il y a eu des annulations ou des lacunes.

Le rapport attire aussi l'attention sur les difficultés posées par l'achat de documents non imprimés, problème que nos bibliothécaires nationaux et ceux spécialisés dans le dépôt légal essaient de résoudre par la législation. Les objectifs, fort louables, de ce rapport font ressortir la contradiction entre la volonté des bibliothécaires de coopérer et les contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis. Le rapport dit : « La base d'une stratégie nationale pour la recherche repose sur l'accès de tous les chercheurs aux collections se trouvant dans les bibliothèques nationales, universitaires et de recherche. Cet accès doit être gratuit pour l'utilisateur. Si permettre cet accès occasionne des frais supplémentaires importants pour certaines bibliothèques, une compensation financière doit leur être allouée ».

Achat et accès

Après avoir examiné certaines raisons pour lesquelles les bibliothèques tendent vers une plus grande coopération, nous devrions maintenant nous demander ce que signifie vraiment le développement coopératif des collections.

À un niveau très simple, il s'agit d'un accord par lequel une bibliothèque achète des documents qui seront utilisés par d'autres bibliothèques. Il est possible que cette bibliothèque soit obligée d'acheter des documents qu'elle n'aurait pas acquis par ailleurs. Elle endosse une responsabilité supplémentaire et a besoin d'un financement additionnel pour se le permettre. L'altruisme dans la coopération entre bibliothèques n'est plus de mise pour des raisons économiques. Il y a au moins 3 sources de financement possibles :

  1. Financement externe (provenant d'une initiative nationale ou internationale),
  2. Souscription annuelle provenant de chaque participant,
  3. Ré-affectation des fonds propres de la bibliothèque.

La croyance qu'ont les bibliothécaires dans l'accès gratuit à l'information va être sérieusement mise à l'épreuve. Bien sûr, en tant que bibliothécaires, nous faisons déjà payer beaucoup de choses aux utilisateurs (par exemple : les photocopies), mais l'accès coopératif est potentiellement beaucoup plus cher. Les participants d'un projet doivent se mettre d'accord sur la participation des utilisateurs aux frais directs et indirects. Un choix difficile devra être fait sur ce que le marché peut supporter ou sur la partie du budget que les bibliothèques peuvent consacrer au service des lecteurs. La valeur perçue d'un nouveau système de fourniture et la protection des intérêts du public sont parfois antinomiques. En dehors de l'argument financier, les bibliothécaires devront utiliser tous les arguments professionnels pour convaincre leurs partenaires potentiels de l'importance de participer et de faire preuve d'une certaine dose d'égoïsme éclairé.

Les bibliothèques produisent, généralement, des documents détaillés sur le développement de leurs collections. Dans un environnement coopératif, il faudra qu'elles y ajoutent des renseignements concernant l'accès externe. Comme le dit Wessling : « Pour que les utilisateurs voient l'accès à l'information comme une ligne continue, la définition des collections doit tout à coup inclure une description du fonds mais aussi de l'accès à distance. »

Les acquéreurs traditionnels devront travailler de façon coordonnée avec leurs collègues en interne avant d'offrir un accès externe. La possibilité de désherber les collections localement pourrait être sérieusement restreinte. Il est aussi difficile d'empêcher une bibliothèque indépendante de se débarrasser de documents dont elle ne veut plus, que de la convaincre d'acheter quelque chose pour le bénéfice des utilisateurs d'une autre bibliothèque.

Le développement coopératif des collections est décrit et évalué dans un guide publié par l'ALA. Le guide reconnaît différents modèles, notamment le partage des responsabilités dans le développement des collections, les acquisitions partagées avec des sites préétablis, et des politiques coordonnées de désherbage (ou de rétention). Ces modèles peuvent être liés à la coopération en matière d'automatisation, de catalogage, de prêt entre bibliothèques, ainsi qu'aux programmes de conservation. Comme nous l'avons noté plus haut, rien de ceci ne fonctionne si l'on n'accepte pas l'accès à distance : « l'accès aux informations bibliographiques sans l'accès aux documents est une promesse sans objet . » Hightower et Soete soulignent plus particulièrement la nécessité de fournir motivation, formation et information à l'intention du personnel des bibliothèques afin de permettre la réussite de tout projet. Des informations sur les conséquences d'un échec et la surveillance régulière des progrès sont des ingrédients cruciaux si les bibliothécaires sont prêts à tirer des leçons de leurs erreurs.

Mouvements vers le développement coopératif des collections en Europe et au Royaume-Uni

En Irlande, une base de données commune, suivant le protocole Z39.50, donne des informations sur les 6 principales bibliothèques de recherche et a, depuis 1994, fusionné avec un service privé de fourniture de documents. Ce projet a reçu des subsides du programme Télématique de la Communauté européenne. Après un premier examen, des recommandations ont été faites sur la nécessité de fournir une meilleure base commerciale et il a été reconnu que le catalogage partagé n'était pas très utile sans l'accès aux documents. Ce projet a été un succès technique, bien qu'il ait été noté qu' : « une différence fondamentale existe entre coopérer pour gérer un projet technique et coopérer pour fournir un service durable. »

D'autres réseaux coopératifs utilisent la norme Z39.50 en Europe, notamment le réseau « OPAC Network in Europe (ONE) » qui regroupe 15 partenaires européens et envisage des services de fourniture de documents. Il n'y a pas de développement partagé des collections en tant que tel, mais chacun des partenaires constitue d'importantes collections nationales dans sa langue respective. Les européens se préoccupent de l'autosuffisance nationale. Les bibliothèques universitaires néerlandaises ont fait un effort pour évaluer leurs collections en baisse par rapport à celles de l'Allemagne. Voorbij suggère que combler des lacunes ne pourrait se faire qu'avec des crédits supplémentaires.

Au Royaume-Uni, malgré l'efficacité du service de prêt de la British Library qui décourage les tentatives de coopération, quelques exemples sont apparus. Notamment, le Consortium of University Research Libraries (CURL) - Consortium des bibliothèques universitaires de recherche - a un programme de catalogage partagé qui concerne six des principales bibliothèques de recherche au Royaume-Uni et en Irlande. Des subventions ont été attribuées pour le développement de ce programme, mais la question de l'égalité de l'accès et de la collaboration pour le développement des collections reste, en fait, inexplorée. C'est dans l'achat de documents en langues étrangères que le partage des acquisitions se fait le plus naturellement.

Sur ce modèle, il y a, au Royaume-Uni, des projets locaux comme le Consortium M25 qui fournit des renseignements sur 100 bibliothèques dans 38 universités de la région de Londres. Ce projet a été lancé pour « encourager nos bibliothèques à coopérer entre elles afin de mieux servir nos utilisateurs ». Il donne des renseignements sur les collections via un site WEB et, de façon caractéristique, indique « les bibliothèques qui autorisent l'accès à leurs collections par des utilisateurs externes ». Les bibliothèques de Sheffield et de Newcastle ont aussi des programmes coopératifs qui offrent un accès à un grand nombre de bibliothèques publiques, mais sous des conditions limitées.

Cependant, parmi tous les projets réalisés jusqu'à aujourd'hui au Royaume-Uni, celui qui est le plus avancé, tout au moins dans les bibliothèques universitaires, est le Consortium des bibliothèques universitaires de Manchester (Consortium of Academic Libraries in Manchester ou CALIM). Ce regroupement de 5 bibliothèques universitaires desservant quelques 45 000 utilisateurs, a été officiellement créé en 1992. Il fut d'abord financé par des souscriptions proportionnelles à la taille de chaque institution, mais des subventions ont été obtenues pour le développer. Sa mission est ainsi énoncée : « Coordonner les ressources physiques, informatiques et en personnel des bibliothèques participantes afin d'améliorer et de développer la diversité des services offerts ». Le but principal est « d'encourager le partage des ressources pour son propre intérêt, mais de façon éclairée » et d'accepter « des politiques d'acquisition qui évitent des doublons inutiles... ».

En fait, les développements se sont concentrés jusqu'ici sur d'autres choses que le développement des collections : règlement pour l'accès, liste collective des périodiques, accès à un catalogue commun et réseau local. Des études sur les recoupements des collections ont commencé dans deux des bibliothèques les plus grandes, mais elles avancent lentement, car la fourniture des documents doit être garantie avant que le personnel universitaire soit prêt à se séparer des fonds de leur bibliothèque. La stratégie du partage des collections comporte l'établissement d'une politique de gestion des collections pour les monographies et les périodiques avec éventuellement la possibilité de partager des magasins pour mettre ensemble les collections désherbées.

Une coopération hybride

Deux éléments contribuent actuellement à retarder la croissance du développement des collections par les bibliothèques seules. L'un est le budget et l'autre la technologie permettant de fournir les ressources partagées de façon efficace. On fait appel à des solutions hybrides, le financement provenant des bibliothèques et d'autres sources. Le projet de fourniture aux utilisateurs de documents provenant du dépôt légal (Delivery of Copyright Materials to End Users ou DECOMATE) utilise des logiciels développés par le centre de calcul de Tilburg pour relier la London School of Economics à l'Université Autonome de Barcelone. Les programmes, développés grâce à des fonds de la Communauté européenne, permettent aux utilisateurs d'accéder à une base constituée d'articles, en texte intégral, de périodiques publiés par Elsevier et Kluwer.

En Écosse, l'entreprise coopérative de publication à la demande (Scottish Collaborative On-Demand Publishing Enterprise ou SCOPE) a été financée par le Joint Information Systems Committee (JISC) au sein du programme de bibliothèque électronique du Royaume-Uni. Ce projet a pour objet de développer des moyens alternatifs de fourniture d'articles de périodiques ou de chapitres de livres aux étudiants de 13 universités écossaises. On a choisi la sociologie pour le projet pilote et on a passé beaucoup de temps pour obtenir la permission de copier les documents afin de les stocker en ligne et de les fournir électroniquement. Ce type de publication à la demande n'a pas pour objet de diminuer les ventes des éditeurs, mais ceux-ci pensent le contraire. Évidemment, la réussite du projet pilote aura une incidence sur la politique d'acquisition des 13 institutions. L'aspect économique du projet SCOPE est un enjeu crucial. Ces produits sont sensibles aux variations de prix, et certains craignent que le paiement des services par les utilisateurs n'aboutisse qu'au transfert des dépenses de la bibliothèque sur les étudiants. Les développements pour 1997 comprennent l'accès en ligne et la fourniture d'ouvrages auto-publiés par les auteurs.

Les licences locales

Suivant l'initiative BIDS qui attribue des licences pour les grandes bases de données dans le Royaume-Uni, a commencé, en janvier 1996, un projet ambitieux sur trois ans donnant aux bibliothèques universitaires le droit de copier des périodiques. Les journaux édités par Academic Press, Blackwell et l'Institut de Physique sont disponibles dans toutes les bibliothèques universitaires à des prix considérablement réduits, avec un accès en ligne quand c'est possible, contre le paiement d'un droit. Ce projet a d'abord été financé par les quatre grandes institutions qui subventionnent l'enseignement supérieur. Elles ont payé les droits de copyright aux éditeurs. La photocopie illimitée des journaux sous licence est autorisée à des fins d'étude et de recherche.

Derrière ce projet apparaît, sans aucun doute, la crainte des éditeurs de voir diminuer les abonnements de la version papier des périodiques, mais cette autorisation leur apporte un revenu régulier. Par ailleurs, les bibliothécaires, de leur côté, craignent qu'il y ait un contrôle centralisé sur leur politique d'acquisition et qu'ils soient forcés de prendre des titres simplement parce qu'ils font partie du lot sous licence. Le juste prix d'une licence est très difficile à calculer pour les bibliothèques et les éditeurs n'ont pas cessé d'augmenter leurs tarifs. Cela peut aussi avoir une influence néfaste sur les fournisseurs de périodiques.

Les impératifs technologiques

Presque tous les modèles coopératifs décrits jusqu'ici ont une forte composante technologique : accès aux catalogues en ligne, fourniture des documents ou licences pour les périodiques en ligne. On dit souvent aux bibliothécaires que la controverse opposant l'acquisition à l'accès s'éloigne pour entrer dans un autre paradigme sur l'accès réel. Cependant, le coût de cet accès peut provoquer une nouvelle crise. Dans le passé, l'argent des budgets d'acquisition a été détourné pour automatiser nos services techniques. Aujourd'hui, nous pouvons craindre de voir un nouveau détournement pour couvrir les frais d'accès. Nous devons résoudre le paradoxe sur le fait que les livres empruntés dans les bibliothèques paraissent gratuits tandis que la fourniture des documents à distance doit être payante.

On peut mettre en doute la sagesse selon laquelle une bibliothèque virtuelle va remplacer nos services. Elle ne pourra avoir que des bénéfices virtuels, car une bibliothèque qui n'aurait pas son propre fonds comme monnaie d'échange ne pourrait pas faire partie d'un programme coopératif. La technologie ne garantit pas l'accès à tous et il est possible que l'accès amélioré ne soit disponible que pour ceux qui peuvent payer. Les aléas de la politique peuvent aussi modifier la disponibilité des documents, mettant ainsi un frein au développement humain.

La technologie ne doit pas diriger nos services et les bibliothécaires responsables du développement des collections doivent s'assurer qu'ils ont le bon matériel pour l'échanger avec d'autres. Les annulations multiples des documents les plus chers ont pour effet de cloner nos collections. Le désherbage doit être partagé, les fonds uniques doivent faire partie des programmes d'accès partagé, car il faut se souvenir que certains documents ne seront jamais disponibles électroniquement et doivent donc être conservés. Ayant été moi-même récemment impliquée dans la planification d'une nouvelle bibliothèque, je me demande comment les plans successifs seront conservés. Les documents sous forme électronique qui ne sont pas vendus en tant que tels, mais pour lesquels on paie un droit d'accès, doivent également être conservés.

Les impératifs professionnels

Le développement coopératif des collections peut avoir différentes origines. Il peut y avoir un intérêt économique à coopérer en des temps de réduction budgétaire. Les directeurs de bibliothèques peuvent avoir le sentiment que la coopération améliorerait le niveau des services de la bibliothèque et qu'ils devraient utiliser la puissance des ordinateurs pour développer leurs services. Les éditeurs peuvent sûrement faire pression pour signer des licences. Quelle que soit la motivation, les directeurs de bibliothèques doivent pratiquer la coopération de manière professionnelle comme un moyen de renforcer leurs services.

La coopération n'est ni gratuite ni facile. Du temps (donc de l'argent) doit être consacré à la préparation et du temps (donc de l'argent) doit être consacré à la formation du personnel. Le travail doit être souvent fait en plus du travail normal et des qualités de négociateur sont nécessaires pour arriver à des compromis. Les responsables de collections doivent être très motivés pour s'y consacrer et doivent ignorer l'effet de mode qu'il y a derrière le concept de bibliothèque virtuelle. Le développement coopératif des collections ne vaut la peine d'être poursuivi que s'il profite réellement à ceux que nous devons servir : les utilisateurs des bibliothèques.