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61st IFLA General Conference - Conference Proceedings - August 20-25, 1995

LES BIBLIOTHEQUES SCOLAIRES COMME OUTIL DE FORMATION A L'INFORMATION DU CITOYEN DE L'AN 2000

FRANCE VERNOTTE, IUFM Fort Griffon, Besancon, France


PAPER

L'EXEMPLE FRANCAIS : LES CDI CENTRES DE DOCUMENTATION ET D'INFORMATION DES ÉTABLSSEMENTS SCOLAIRES

1-CONTEXTE SOCIO ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL PAR RAPPORT À L'ÉDUCATION À L'INFORMATION

Déja en 1976, l'économiste américain Marc URI Porat évaluait à 53% la part des revenus du travail liés à une activité informationnelle aux Etat s-Unis. Dans son rapport établi pour le commissariat au 10ème plan 1989/92:" Information et compétitivité", René Mayer note l'ampleur d'une compétition mond iale engagée sur les différents segments des circuits de l'information: recherche, transport, stockage, édition, traitement, conseil", compétition remportée par les etats-Unis et le Japon. Ce rapport conduit à 10 propositions dont la première s'inscrit dans nos préoccupations d'aujourd'hui : Former dès l'adolescence à l'usage de l'information: former les maîtres, équiper les centres documentaires des collèges, des lycées et des universit&ea cute;s, développer l'enseignement à distance, mettre en place au sein du système universitaire des filières de formation aux sciences de l'information.
Si nous pensons que Savoir s'informer c'est distinguer ce qui esrt sratégiquement essentiel afin de décider , nous mesurons l'importance de cette compétence en matière de développement économique et nous demandons quel rôle doit et peut jouer l'école dans la construction de ce savoir

Dans son document d'orientation sur l'enseignement supérieur, l'UNESCO stipule que "la situation nouvelle qu'on rencontre dans le monde du travail a une influence directe sur les objectifs de l'enseignement supérieur (et secondaire). Les programes d'études devraient donner la préférence aux matières qui développent la capacité intellectuel le des étudiants, leur permettent de faire face judicieusement à des situations caractérisées par les transformations et la diversité technologiques, économi ques et culturelles, qui leur inculquent des qualités telles que l'initiative, l'esprit d'entreprise et l'adaptabilité et les mettent à même de s'acquitter de leur tâ che avec plus d'assurance dans un monde du travail moderne en évolution constante. "

Les atteintes aux droits de l'homme de plus en plus fréquentes dans le monde redonnent une importance vitale à la notion de citoyenneté. Apprendre ses droits et ses devoir s, se comporter en élève responsable, intégré dans une microsociété dont on doit respecter et faire vivre les règles , aiguiser son esprit critique et son ouverture aux autres sont autant de situations fondamentales à l'école.Pour être maître de ces situations, l'élève doit acquérir des compéte nces qui le conduisent à s'informer et informer les autres

Or l'école n'est plus la seule source de savoir. Le savoir à la carte se substitue au savoir en menu proposé par le maître, ce qui donne au lecteur , au récep teur une impression grisante de liberté. Pour que cette impression ne soit pas fausse, pour que l'individu construise son libre arbitre, il est donc urgent que l'école dote chacun d'u n "pouvoir s'informer".

La demande sociale d'autoformation et de formation permanente fera appel à ces compétences à des moments et dans des domaines fort différents de la vie de l'individ u

En France, Condorcet pronait, déjà en 1792, l'idée d'une éducation permanente dans son Rapport sur l'organisation générale de l'instruction publique..."Nous avons observé que l'instruction ne devait pas abandonner l' individu au moment où il sort de l'école..On pourra lui montrer l'art de s'instruire par soi-même, comme de cher cher des mots dans un dictionnaire."
"Offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins , d'assurer leur bien-être , de connaître et d'exercer leurs droits,.assurer à chacun d'eux la facilité de se rendre capable des fonctions sociales auquelles il a droit d'être appelé "

2- Politique educative française

L'école française héritière de Jules Ferry se définit comme laïque, gratuite et obligatoire C'est donc sur des principes forts d'égalité des chances et de droit à la formation que s'est élaborée au fil ds années la politique éducative de la F rance Le collège unique des années 1970 permet à tous les élèves de l'école primaire de poursuivre des études secondaires et à 60% d'entre eux d'obte nir un baccalauréat L'arrivée de ce nouveau public regroupé en classes hétérogènes fit germer l'imagination pédagogique: travail autonome des années 1970, aide à l 'élève, tutorat et pédagogie différenciée des années 80.... La loi qui définit les finalités du système éducatif français est la loi d'orientation de 1989. Plaçant l'élève au centre du système, elle redéfinit l'enseignement comme une réponse construite à des besoins identifiés chez l'élève et tend par conséquent à favoriser les situati ons d'apprentissage qui amènent l'élève à construire son savoir.

Le pré-séminaire recommande que l'IFLA incite les associations à encourager les autorités de tutelle nationales dans le domaine de l'éducation à élab orer une politique sur le rôle des bibliothèques scolaires dans le développement national comme élément de leur politique d'éducation nationale. La politique française en matière de bibliothèques scolaires trouve sa juste place dans les orientations définies ci-dessus.

De 1958 (date de la création du premier Service de documentation) à nos jours, la situation des bibliothèques scolaires n'a pas cessé d'évoluer , suivant en cela la mutation du système et répondant aux objectifs successivement définis.
1966 voyait la naissance des services de documentation et d'information et 1972 celle des Centres de Documentation et d'information.

3-Les cdi : finalités, lieux et personnel

Dès sa conception le cdi avait une quadruple fonction:
- centre unique de documentation regroupant toutes les ressources de l'établissement
- centre de relations publiques intérieures et extérieures
- centre culturel en relation avec les autres lieux culturels du quartier ou de la ville
- centre de recherche pédagogique

Il était donc à la fois centre de ressources et bibliothèque d'étude et de loisirs pour les élèves et les enseignants., au service d'une démocratisat ion de l'enseignement, il devait contribuer à l'égalité des chances par la mise à disposition de chacun d'une masse documentaire

Les diverses circulaires parues depuis lors n'ont pas remis en question ces divers rôles mais ont insisté sur la finalité pédagogique de ces activités, sur le r&oci rc;le du CDI dans la vie scolaire et sur l'importance de la lecture et des méthodes de travail à faire acquérir aux élèves, conditions de la réussite.

Aujourd'hui, le CDI se veut un système d'information multimédia information, de communication et d'information un laboratoire d'expérimentation des nouvelles technologies &eac ute;ducatives un lieu de culture et d'ouverture, de rencontre et d'intégration.
Occupant la place centrale de l'établissement, il n'est pas rare qu'il en soit la vitrine: locaux sur deux étages, cages vitrées, relié le plus souvent à des salles de travail de groupes, salles d'exposition et salles de projection.

Quel personnel?

Le documentaliste, responsable du Centre est un enseignant recruté depuis 1990 par un CAPES (certificat d'aptitude au professorat de l'eseignement secondaire) Formé en IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres),il exerce son activité professionnelle, dans le cadre éducatif et dans le contexte local spécifique d 'un établissement du secod degré. Il contribue aux objectifs généraux de l'enseignement avec pour mission la Formation des usagers aux habiletés d'information. A cette fin, il assure le management d'un syst&egrav e;me d'information dont il a la responsabilité....

L'enseignant documentaliste occupe une place privilégiée, au carrefour des savoirs et des cultures. Sa mission est de permettre à l'&ea cute;lève, futur citoyen, de maitriser l'information dans une démarche d'autosocio-construction du savoir qu'il saura réinvestir à l'age adulte pour retrouver des connaiss ances perdues ou poursuivre sa formation .De ce fait, il contribue à placer l'adolescent qui "s'informe pour se former" sur le chemin de l'homme libre.

Afin d'exercer au mieux cette mission, il met à disposition de celui qui apprend et de ceux qui instruisent, un outil commun et multiple: le Centre de Documentation et d'information. Ce centre, lieu oblique des cultures, présente , de manière organisée, un fonds documentaire diversifié , photographie d'une certaine re présentation du monde. Cette dernière se doit d'être la plus objective possible afin de générer chez l'apprenant ce souci d'objectivité, garant de l'honn&eci rc;teté intellectuelle.

4-Quelle formation à l'information?

L'activité de pédagogue du documentaliste l' amène à défnir les apprentissages nécessaires à l'élève pour qu'il puisse utiliser et exploiter le système d'information qui lui est proposé afin d'acquérir une autonomie dans la recherche et la maitrise d'information quel que soit son projet, quelqu'en soit le contexte. Nous avons donc traduit les démarches observées - réussites ou obstacles - en termes de compétences nécessaires à l'élève qui , pour réaliser un produit documentaire, a besoin de formuler sa demande, d'accéder à l'information, de la maitriser et de la communiquer. Ces compétences sont de trois or dres, transversales le plus souvent - et c'est heureux...- mais aussi spécifiques. Il s'agit alors d'une part de compétences disciplinaires d'autre part de comp étences documentaires.

Des savoirs documentaires sont en effet mis en oeuvre lorsqu'il s'agit

  1. des savoirs eux- mêmes : .leur temporalité et leur transversalité .leur mise en forme qui dépend des supports d'information de plus en plus diversifiés .leur mise en scène qui varie selon le discours disciplinaire .leur représentation sous forme de langage documentaire : classifications, thesaurus,réseaux...contraignant l'élève -à utiliser une démarche heuristique pour naviguer dans l'ensemble des données et se construire son propre système de connaissances -à passer d'un terme générique à des termes spécifiques et réciproquement -à associer des notions -à veiller à la polysémie des termes et à la pluralité des points de vue

  2. des sources : . validité et falsification de l'information .pluralité, date et origine des sources -citations et argumentation -sources bibliographiques et thèmes de recherche

  3. de l'organisation des informations -notion de paratexte (quelque soit le support d'information consulté) : glossaire, index, sommaire et table des matière, chapitres..qui structurent logiquement et sémantiquement l'information

  4. de la recherche de l'information -mobilisation des acquis et des connaisances antérieures -questionnement du thème -heuristiques adaptées au projet

  5. de la communication de l'information -prise en compte du destinataire et adaptation de la réalisation à une situation donnée -modes de restitution et codes de présentation des informations propres à chaque produit documentaire

'Le documentaliste doit élaborer une progression de ces apprentissages dans et hors les disciplines et trouver la structure pédagogique qui leur donnera sens.IL élabore, le plus souvent en équipe, un projet CDI, dans le cadre du projet d'établissement. Nombreux sont ceux à présent qui émanent d'une équipe pédagogique s ensibilisée à la nécessité de répondre à plusieurs voix aux besoins d'une réélle formation à l'information. Les contenus sont alors d&ea cute;pendants de la prise en compte par l'enseignant de démarches de construction du savoir par l'élève qui est inégalement présente selon les lieux et les discipli nes. Le documentaliste doit gérer cette diversité afin de proposer une planification qui tienne compte par ailleurs de la diversité des situations d'exercices : nombre de postes de documentaliste, locaux. ..

Il faut souvent faire des choix : un SMIG documentaire pour tous? des progressions construites en partenariat avec tellle ou telle équipe? En effet, si nous nous voulons le garant de cette fo rmation, nous n'en sommes pas le seul acteur et la documentation -interdiscipline?- prend tout son sens dans une contextualisation.

5- L'impact des nouvelles technologies

. Les CDI de nos établissements se veulent aujourd'hui de véritables médiathèques où l'élève peut librement accéder à des savoirs g&eacu te;rés à l'aide d'outils informatiques. Ils deviennent chaque jour davantage le reflet de l'actualité documentaire et technologique. La tâche est parfois difficile, la surabondance irréfléchie des moyens voisinant souvent avec une pénurie due à la frilosité de décideurs peu enclins & agrave; doter nos lycées et collèges de systèmes d'information performants :mais une politique incitatrice est mise en place auprès des chefs d'établissement et des collectivités territoriales afin que de trop grandes disparités de situations soient évitées , que chaque CDI soit effectivement informatisé et muni de plusieurs postes de consultation permettant un réel travail de recherche documentaire et une formation des élèves. L'l'introduction des nouvelles technologies de l'information ne saurait se limiter à la gestion informatisée du fonds documentaire.Pour être capable de maîtriser l'information , l'élève doit pouvoir se familiariser avec des suppor ts très différents y compris dans un but d'auto formation : logiciels édicatifs, traitement de textes, CD Rom, CDI interactifs, vidéodisques, vidéo, CD, cassettes a udios, produits multimédias, banques de données .etc.

Ces outils permettent une collaboration plus étroite avec les établissements d'un même réseau géographique .

Notre souci d'enseignants m'amène à souligner enfin l'importance que nous accordons à la réflexion qu'il faut mener à l'aide d'observations, d'échanges de pr atiques et de références théoriques, sur les transformations des stratégies d'apprentissage et de lecture, générées chez l'élève par l 'exploitation de ces nouveaux documents. Notre situation privilégiée de compagnonnage pédagogique apporte un éclairage spécifique de ces multiples procédures de navigation dans le savoir.

6-Perspectives de developpement : transférabilité et échanges

La bibliothèque scolaire du futur dépend de l'évolution des moyens de communication et des supports d'information.

Certes les réseaux sont déja entrés dans le monde scolaire..réseaux internes à l'établissemnet pour la plupart. La base de données du CDI consultable depuis chaque salle de classe sera-t-elle plus exploitée pour autant?

Un fonctionnement en réseau géographique va permettre aux différents lieux ressources d'intervenir en complémentarité: pour mettre en synergie leurs fonds documenta ires. Il s'agira alors de clarifier nos spécificités, nos missions respectives afin que l'élève futur citoyen puisse se dresser une carte des lieux ressources à d&e acute;cliner selon son projet et ses besoins Qu'auront encore de commun les CDI de nos établissements scolaires avec les bibliothèques scolaires? Tendront-ils à devenir des centres de ressources performants et exhaustifs, c onnectés à la carte des ressources mondiales? Seront-ils des lieux d'apprentissage systématisé de cette maîtrise de l'information devenue si vitale? Tendront-ils plu tôt vers le centre culturel? Il semble peu probable qu'ils puissent continuer à gérer l'impossible complexité à moins que les politiques, mesurant enfin l'enjeu de cet outil, ne se décident &ag rave; définir une politique ambitieuse de création de postes...

La situation française semble particulière quant aux missions des bibliothèques scolaires, centres de documentation à visée pédagogique, gérés et animés par un professeur/documentaliste Au sein même de l'espace éducatif européen, les situations sont fort diverses, le monde francophone tend à proposer des s tructures comparables dans le respect de l'autonomie culturelle de chaque état. Nous sommes souvent sollicités pour l'aide à la mise en place de projets et de plans de formation de formateurs.

.Il nous semble indispensable de réfléchir et d'agir en commun pour que de pieuses résolutions internationales donnent naissance à des implantations de personnels et de st ructures sans lesquels toute formation de l'individu à une démarche construite et autonome d'information demeure impossible. C'est à ce prix que l'enfant questionnera le monde

France Vernotte
Présidente de la FADBEN (Fédération des Enseignants Documentaliste
IResponsable des formations en documentation à l'Institut universitaire de Formation des Maîtres de Besançon

Petite bibliographie très récente (1994-1995)