La croissance et la multiplication des sources et supports de l'information, le développement de la production de biens culturels, le maillage des réseaux d'information et de communication, tels l'Internet caractérisent les mutations rapides de ce qu'il est désormais banal d'appeler la Société de l information. L'offre de nouveaux médias modifie le rapport au savoir. L'Ecole et ses maîtres n'en sont plus les principaux dispensateurs. La multiplication des émetteurs pose le problème de l'autorité de la source d'information ou du savoir, de sa qualité, de sa fiabilité.
Le flux constant d'informations suscite une illusion de liberté due à la pratique du zapping, mais aussi parallèlement, s'accroit le risque de passivité devant la mosaïque d'images de plus en plus centrées sur l'émotionnel, voire le spectaculaire, notamment à la télévision et au cinéma. Une déréalisation progressive liée à l'usage des images virtuelles s'installe, entraînant l'illusion d'une toute puissance qui permet de fuir ou d'occulter la réalité, phénomène particulièrement sensible chez les jeunes en difficultés sociales ou psychologiques. La rupture de l'espace temps dans la diffusion ou la consultation des souces d'information escamote le temps de la réflexion et du nécessaire recul critique.
Par ailleurs les repères sociaux et moraux, jusque la assumes conjointement par la famille, la Société et l'Ecole s'émiettent. Trop souvent, est renvoyé à l'Ecole le soin d'installer ou de reconstruire le lien social et le rapport à la Loi qui fait défaut. La formation à la citoyenneté est, de ce fait, de plus en plus fortement affirmée dans les missions du système éducatif français.
Quels sont les objectifs assignes à cette formation en France, comment les CDI des lycées et collèges peuvent ils être des structures favorisant des réponses (forcement partielles) à ce problème, quel rôle peuvent jouer les enseignants documentalistes dans cette formation des citoyens de demain que sont les jeunes adolescents du niveau secondaire français ?
La Loi d'orientation sur l'Education du 10 juillet 1989 pose un Droit à l'éducation afin de permettre à chaque élève de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie professionnelle, d'exercer sa citoyenneté (2).
Face à la montée de l'echec scolaire et aux difficultés de comportements voire de la violence au sein de l'Ecole et de la Société, les nouveaux programmes du niveau Collège rappellent pour toutes les disciplines, le rôle spécifique de chacune d'entre elles dans ce domaine, qu'il s agisse du Français: capacité à communiquer avec autrui, à structurer le jugement pour devenir un citoyen conscient, autonome et responsable, des Sciences de la Vie et de la Terre: réflexion sur la bio éthique ou l'environnement. L'Education civique, discipline autonome enseignée sur les quatre années du Collège, s'organise autour de trois finalités:
Au lycée cette formation à la citoyenneté est présente en histoire en philosophie notamment, mais surtout les lycéens à travers les conseils de délégués élèves, la gestion de la Maison des lycéens, la publication de journaux lycéens peuvent s'exercer à l'exercice de responsabilisés concrètes.
Ensembles de savoirs et de pratiques, cette formation à la citoyenneté fait partie des missions de tous les membres de la communauté éducative; les enseignants documentalistes, responsables du CDI, sont donc comme les autres acteurs concernes par la mise en oeuvre de ces instructions officielles.
L'appropriation des codes de lecture et et des stratégies d'usage de ces sources nouvelles, fait du CDI, un laboratoire d'apprentissage propice à les préparer à l'usage d'autres structures culturelles, telles les bibliothèque, les centres de documentation spécialisés les réseaux de communication. Il leur permet de réfléchir aux pratiques sociales de ces outils de communication, d'être en relation avec les objets du réel à travers leurs activités individuelles et collectives d'ordre scolaire, dans une visée de transfert à des pratiques personnelles integrées hors de l'Ecole.
En cela le CDI, par la pluralité de ses ressources, offre, une approche globale et complexe du savoir à travers la médiation des documents et leur confrontation possible Il constitue un outil précieux de mise distance et de synthèse d'un savoir trop souvent cloisonne dans des programmes ou des des champs disciplinaires bien cernes. C'est au CDI que bien souvent l'élève va pouvoir faire des ponts entre ces ilots de savoirs acquis dans chaque cadre disciplinaire et éventuellement s'ouvrir vers des horizons culturels plus vastes.
Le CDI, en tant qu'outil logistique permettant la mise en oeuvre de démarches de recherche, de traitement et de communication de l'information, induit tout un ensemble de processus intellectuels : mobilisation de connaissances, questionnement, travail sur les modes de représentation des connaissances, notamment par l'usage des langages documentaires, la comparaison des sources de leur pertinence en fonction du questionnement inital, la mise en oeuvre de compétences d'analyse de prélèvement, de reformulation, de synthèse et de communication de l'information trouvée Le travail sur documents permet donc une élaboration progressive du savoir dans un processus d'auto socio construction individuel, qui sollicite des opérations mentales et des démarches de pensée diverses. et contribue par la recherche de la preuve, de la vérité et la mise en débat des sources, à l'eveil de l'esprit critique nécessaire à l'autonomie de jugement et de comporte ment face à toute source d'information.
L'accès au CDI d'élèves de classes d'age et de cultures diverses travaillant au cote d'adultes, eux-mêmes divers, favorise échanges, brassages de classes et de niveaux, confrontations, débats, mais aussi solidarité, entraide autour de taches communes et de la pratique d'un monitorat ou d'un tutorat, plus ou moins formalise. Au CDI le type de travail se démarque largement de la pédagogie frontale traditionnelle ; les relations adultes eleves se caractérisent par des activités effectuées, le plus souvent cote à cote que face à face, dans lesquelles l'accompagnement, la relation d'aide et la médiation sont privilegiés.
Parmi les savoirs documentaires qui peuvent participer d'une formation à la citoyenneté, citons les notions de source, référence, document primaire, document secondaire langages documentaires, mode de représentation des connaissances, pertinence, validité, fiabilité de l'information et de la source.
Un travail de réflexion mene avec les élever autour des conditions d'élaboration des savoirs dans leur temporalité, leur évolution et leur relativité (par l'approche de l'histoire des sciences) permettrait une mise à distance critique d'informations d'affirmations, ou d'argumentaires, souvent pris au premier degré par les élever, pourvu qu'ils aient trouve un document, la plupart du temps investi d'une vertu de preuve ou de vérité unique !
Certaines attitudes et modes de pensée sont à Développer : le respect et la citation des sources, de la pensée d'autrui, une attitude de questionnement, de recherche de la vérité et de la preuve, un regard critique par l'analyse et la comparaison des sources, ce qui peut d'ailleurs amener l'élève à acquerir une forme d'expertise des sources proposées (pensons notamment aux sites web), la capacité à argumenter (et a décoder des discours argumentatifs) à justifier ses choix, à communiquer avec autrui.
L'éducation aux media et à l'image prend ainsi toute sa place dans cette démarche de formation: réflexion sur la distinction du fait et du commentaire, le rôle émotionnel de l'image, l'écriture journalistique, la différence entre information et communication etc.
Le travail de groupe favorise l'apprentissage de la tolérance de l'opinion d'autrui, la reconnaissance des compétences des autres, le sens de la négociation, la prise de parole et la pratique de l'argumentation à travers les situations de conflit socio cognitif et les nécessaires régulations du tavail et des comportements.
La mise en place de démarches d'évaluation formative permet l'explicitation des objectifs des apprentissages vises, des critères de réussite de la tache et de la production finale, la mise en place d'un contrat dont on peut évaluer la réalisation. La formation des élever à l'auto et la co-évaluation leur permet de situer leurs échecs leurs réussites et celles des autres, d'acquérir un jugement nuance fonde sur des critères définis en commun.
Ainsi le recours aux ressources d'information du CDI et la mise en place d'activités structurées élaborées en partenariat pédagogique avec les autres enseignants ou acteurs de l'établissement scolaire (ou extérieurs), peuvent permettre aux élever de construire des savoirs et d'apprendre à maîtriser les outils matériels et intellectuels, qui leur donneront, une culture de l'information aussi nécessaire aujourd'hui que la culture littéraire, économique scientifique et technique visée par les programmes d'enseignement traditionnels.
Tout d'abord en tant que professionnel de l'information le documentaliste doit organiser et gérer le système d'information qu'est le CDI en veillant à la pluralité et à la fiabilité des sources qu'il propose à ses usagers et en tenant compte de leur niveau et de leur age.
Ensuite dans son rapport aux autres adultes à travers le travail d'équipe notamment, il doit être porteur de valeurs d'écoute, de tolérance, de coopération, de solidarité et d'engagement collectif, autant dans l'organisation d'activités pédagogiques que dans la construction du projet d'établissement, dont le projet CDI est une composante.
Enfin par ses attitudes relationnelles et pédagogiques, il doit manifester sa conviction de l'éducabilité de ses élever, le souci de leur expression, son attachement à une conquête progressive de leur autonomie de pensée et d'action, qui constitue une des finalités de sa mission.
Participer à la formation du citoyen à venir qu'est l'élève, c'est donc à travers une formation méthodique et raisonnée à la maîtrise de l'information et d'un système d'information particulier comme le CDI, lui leur donner les moyens et les outils d'une émancipation progressive, dans le respect de sa personnalité. Il s'agit de le former, au sens étymologique de former aider à trouver sa forme à ne pas subir les pièges de la société de l'information, à être responsable de ses choix culturels et civiques, dans une société qui change ses repères ses modes de pensée et de communication. L'enjeu est celui de son intégration dans un tissu social, dans lequel il doit être un acteur libre et non un consommateur passif. Cette autonomie de jugement passe car la construction d'une culture garant de son intelligibilité du monde, car comme l'affirme Philippe Meirieu nul ne doit être prive d'une culture, qui seule lui permet de penser le monde et de se penser dans le monde (7)