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61st IFLA General Conference - Conference Proceedings - August 20-25, 1995

Comment traduire la convergence des méthodes, des modèles et des outils dans un cursus interdisciplinaire

Laurence JACQMIN, Université Libre de Bruxelles


PAPER

Résumé

Une formation interdisciplinaire, comme l'est la science de l'information ne saurait se cantonner à une superposition de compartiments étanches comme autant de disciplines abordé ;es sinon survolées. Ainsi, autant par son objet que par ses méthodes, la science de l'information s'éloigne-t-elle de la taxonomie de type zoologique. Former des spéciali stes en information, c'est avant tout les encourager à décloisonner concepts, modèles et méthodes. A ce titre, trois évolutions récentes nous paraissent devo ir se traduire dans le cursus proposé aux étudiants:premièrement, traitement de l'information et gestion électronique de documents sont aujourd'hui arrivés à un point de convergence tel que leurs outils et leurs techniques de manipulation s'interchangent. Dans le même ordre d'idées, gestion de bases de connaissances, systèmes experts et logiciels documentaires font appel à des modes similaires de modélisation et de traitement des données. Enfin, le langage naturel apporte sa pierre à l'édifice, non seulement pour répondre à la demande d'une finesse accrue dans l'analyse du contenu des sources d'information mais aussi comme langage de communication entre l'homme et la machine.

1. Introduction

Sans tomber dans l’auto-satisfaction à bon compte, je soulignerai la jeunesse d’esprit de notre discipline qui n’hésite pas à se remettre en question régulièrement . Par sa constante volonté d’intégrer les évolutions tant techniques que théoriques, et de répondre à la diversification des attentes, le spécialiste en information remplit déjà sa mission de catalyseur et de transmetteur d’information.

A sa mesure, l’Université Libre de Bruxelles participe à ce mouvement. En effet, en 15 ans d’existence, INFODOC a réalisé trois réformes importantes de programme:

  1. enrichissement du programme: cours de gestion, comptabilité, gestion des ressources humaines, télématique, GED, veille technologique, indexation automatique.

  2. Création d’options, à côté d’un tronc commun d’enseignement: : automatisation des bibliothèques, automatique documentaire, traitement automatique du langage natu rel.
  3. Création d’un second cycle destiné plus spécifiquement à la formation des bibliothécaires dirigeants (Jusqu’en 1992, seul un 3ème cycle (équivalen t Bac + 4) était dispensé).

2. La science de l’information est par définition interdisciplinaire

Cette caractéristique rencontre une claire demande émanant du monde du travail, où l'on encourage les jeunes diplômés à multiplier les cordes à leur a rc. De plus, l'interdisciplinarité développe des qualités intellectuelles spécifiques: esprit critique, adaptabilité, ouverture à l'évolution qui s'av&egr ave;rent de plus en plus essentielles dans la société de l'information émergeante. Enfin, le décloisonnement des disciplines produit une fertilisation croisée tr&e grave;s enrichissante.

J’en prendrai pour exemple le travail terminologique. Lorsqu'un documentaliste élabore un thésaurus, lorsqu'un traducteur alimente une base terminologique, lorsqu'un linguiste con&cced il;oit un dictionnaire pour une application langage naturel, ils manipulent tous trois le même objet. Nul doute que chacune de ces disciplines sortirait gagnante d'une confrontation des m&eacut e;thodes. Malheureusement, elles cohabitent aujourd'hui encore comme des voisins qui s'ignorent.

Notre formation en science de l’information se définit comme interdisciplinaire à divers égards. Elle développe la double compétence. Elle emprunte et combine m&ea cute;thodes et techniques. Elle enrichit la recherche sur le média par excellence: le langage naturel. Je détaillerai maintenant ces trois points.

2.1 Double compétence

Le spécialiste en information exerce son expertise dans un domaine de connaissance spécifique. Il présente, par définition, une double compétence. Sa connaissance du domaine peut s’acquérir sur le terrain mais l’ULB préfère pour sa part, concevoir la formation de documentaliste -bibliothécaire comme le complément d’une format ion initiale. Ainsi, le second cycle est accessible à des candidats universitaires ( Bac + 2) et le troisième cycle à des licenciés (Bac + 4).

2.2 Convergence des méthodes et des modèles

La formation des informatistes se doit de refléter le décloisonnement qui s’opère dans la discipline, ce mouvement actuel de convergence des méthodes, des modèles e t des techniques.

Ainsi, la frontière entre bibliothèque et centre de documentation est de plus en plus floue, tant leurs méthodes de conception et de gestion se rapprochent.

Dans un autre registre, la modélisation de la connaissance constitue un pivot commun à de nombreuses disciplines. En fait, toute démarche scientifique aborde un jour ou l’autre l e problème de sa formalisation. Comment représenter la connaissance ? Quel modèle élaborer ou choisir ? Grâce à l’automatisation, ces modèles trouvent aujourd’hui des points de contacts, des convergences. J’en ferai deux brèves illustrations:

  1. La description d’entités par leurs caractéristiques discriminantes se retrouve dans plusieurs disciplines:

  2. Base de données

  3. Autre exemple d’actualité, la programmation orientée objet, la navigation par lien dans les applications hypertextes répondent au même principe de connectivité. Un élément interne à l’objet, au texte déclenche l’accès à d’autres unités de connaissance.

2.3 Langage naturel

Enfin, un élément d’interdisciplinarité auquel je tiens particulièrement: le langage naturel. Il constitue à mon sens le futur média privilégié de l’accès à l’information sur support électronique et doit avoir sa place dans le cursus de la formation.

D'une part, au vu des possibilités informatiques actuelles, l'exigence de qualité sur l'analyse et la représentation du contenu s'est accrue considérablement. L'informatol ogue doit disposer d'outils rigoureux et pertinents - donc linguistiques - pour leur traitement. .

D'autre part, la conception des systèmes documentaires recourt de plus en plus au langage naturel, en vue d'améliorer leur convivialité mais surtout pour automatiser le traiteme nt analytique des documents (indexation, condensation...) ou en vue de la normalisation de leur contenu (voir l'expérimentation du système de TAO Metal pour la production d'anglais cont rôlé). .

Depuis la fameuse étude de Blair et Maron (1985), on sait que la meilleure stratégie de recherche sur le meilleur des systèmes documentaires ne peut espérer retrouver, pou r une requête donnée, plus de 50% des documents pertinents. En fait, dans la majorité des cas, seuls 20 à 30 % des documents pertinents sont sélectionnés. La sophistication croissante des possibilités de recherche (opérateurs booléens, de proximités,...) ne semble pas être la réponse adéquate; elle implique un niveau de préparation trop élevé de la part de l'utilisateur. En revanche, la multiplication des bases textuelles (stimulée par la chute des coûts des supports &e acute;lectroniques) encourage l'intégration des outils d'analyse du langage dans les systèmes documentaires autant pour l'alimentation du fonds que pour son interrogation. .

Pour revenir au cursus, il ne s'agit pas de former des linguistes mais de donner une assise théorique aux techniques d’analyse de contenu qui constitue, aujourd’hui comme hier, l’él&eac ute;ment clé de la compétence du spécialiste en information (informatiste). Il s’agit d’enrichir l’intuition du locuteur natif d’une prise de distance critique et indispensable à la maîtrise de son objet: l’information. .

3. Ingrédients pour une formation interdisciplinaire en science de l’information

A partir de l’exemple d’Infodoc, je voudrais pour terminer relever les principaux ingrédients d’une formation équilibrée et interdisciplinaire en science de l’information.

3.1 Niveau universitaire

Outre la double compétence évoquée plus haut, un enseignement de niveau universitaire garantit le niveau de culture générale requis mais aussi et surtout, l’acquisi tion de méthodes de travail personnelles et de capacités d’auto-apprentissage. De plus, il donne l’occasion à l’étudiant d’acquérir une bonne expérience comm e client de bibliothèque, comme utilisateur de système d’information. .

3.2 Doser savoir et savoir-faire

La formation se base sur la transmission d’un ensemble de points de repères théoriques, un « bloc de survie ». Elle dispense un savoir encyclopédique qui englobe et structure tou s les aspects de la discipline. .

L’acquisition d’un savoir faire équilibre cet enseignement théorique, grâce à la mise en situation lors de stages et de travaux grandeur nature (comme le mémoire de fin d’études). De plus, une bonne proportion de nos cours sont dispensés par des professionnels, des gens de terrain.

3.3 Connexions horizontales

Trop souvent, le découpage en cours calque celui des disciplines. Il me semble important de créer des espaces (cours ou labos) où puissent se stimuler les connexions transdisci plinaires. INFODOC en présente deux illustrations: .

3.4 Capacité d’adaptation

Pour équiper nos étudiants en vue de faire face à l’évolution constante de la discipline ainsi qu’aux diverses situations de travail, notre enseignement se doit de stimule r les capacités d’adaptation. Les trois points ci-dessus y contribuent, j’y joindrai enfin les échanges internationaux. Dans ce sens, Infodoc offre à ses étudiants la poss ibilité de suivre un semestre à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus.

Repères bibliographiques

Blair D.C., Maron M.E., An evaluation of retrieval effectiveness for a full-text document-retrieval system, Communications of the ACM, 28, 3, 1985, pp 289-299 Blanquet M.F., L’enseignement théorique peut-il être nuisible ?, Le Documentaliste, vol 26, n°3, mai-juin 1989.

Guyot B., Linterprofessionnalisme, Bulletin d’informations de l’Association des Bibliothécaires Français, n° 152, 3ème trimestre 1993.

Meyriat J., Documentalistes pour demain. Quelles formations pour quels besoins ?, Documentaliste, vol. 27, n° 4-5, juillet-octobre 1990, pp 181-185.

Meyriat J., La formation initiale, en France, des professionnels de l’information et de la documentation, Documentaliste, vol. 30, n° 2, mars-avril 1993, pp 91-98.

Michel J., De la créativité en documentation: autres perspectives pour la formation, Bulletin des Bibliothèques de France, vol. 35, n° 3, 1990, pp 192 ss.

Prévot M., Les formations européennes en science de l’information, Documentaliste, vol. 27, n° 4-5, juillet-octobre 1990, pp 187-192.


How to translate the convergence of methods, models and tools into an interdisciplinary cursus

Information science can be seen as an interdisciplinary field of investigation for it is at the crossroad of information retrieval, data base management, natural language processing, artificial intel ligence and computer science. This characteristic must be integrated into the training cycles. It could not just be translated as a sequence of "watertight" compartments.

On the contrary, to train information specialists means first of all to encourage them to build gateways between concepts, models and methods. Therefore, three new trends seem to us important enough to be integrated in the program made available to students:

Knowledge representation and linguistic engineering will appear increasingly as a required ability for the information specialist. On the one hand, as we see todays' hard- and software's potentials, there is a considerable increase in the demand for quality in content analysis and its representation. The information specialist must therefore have rigorous and adequate tools at his disposal.

On the other hand, the design of information retrieval systems makes increasing use of natural language. This is in order to improve their user friendliness, to facilitate the automation of the analy tical processing of documents (indexation, abstracting) and even to standardize representation of its content (refer to the adaptation of Machine Translation system Metal for the production of contro lled English).

The talk will raise the following questions:

  1. Which facts and trends confirm that information science is an interdisciplinary matter ?

  2. Why and how should we promote interdisciplinarity in the curriculae ?

  3. Some criteria for a good interdisciplinary training.

As we consider these points, our Information and Documentation Science Department will serve as an illustration, particularly in its recent "rejuvenation" of program.

Laurence JACQMIN
Université Libre de Bruxelles
Science de l'Information et de la Documentation
50 av. F. Roosevelt CP 175/2
B - 1050 Bruxelles
E-mail: ljacqmin@ulb.ac.be